Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706) - Université Rennes 2 Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706)

Résumé

Le propos de cette communication s’inscrit dans le contexte d’une querelle célèbre opposant François Raguenet à Jean-Laurent Le Cerf de la Viéville de Freneuse. Celle-ci est provoquée par la publication, en 1702, du Parallèle des Italiens et des Français en ce qui regarde la musique les opéra de Raguenet ; Le Cerf répond en 1704 (Comparaison de la musique italienne et de la musique française) ; Raguenet rétorque en 1705 avec sa Défense du Parallèle ; et Le Cerf réplique une nouvelle fois en publiant une série de trois dialogues accompagnée d’une courte réponse à la Défense du Parallèle. Les disputes musicales du XVIIIe siècle épuiseront l’intérêt pour cette querelle, mais la Vie de Lully racontée par Le Cerf, qui tente de fonder l’identité de la musique de Lully en la rattachant à la personnalité de son créateur, perdure jusqu’à aujourd’hui. Le dispositif de cette querelle a ainsi pour effet de susciter un discours et une théorie de la musique lulliste, et de donner naissance à un mythe fondateur en la personne de Lully. Les cibles de Le Cerf sont la musique italienne (les musiciens français sont des Anciens par rapport aux italiens) et la modernité (représentée par les frères Perrault). Son champion est Lully, qu’il range du côté des Anciens et des qualités propres de la musique française. Raconter l’histoire de Lully – et créer ainsi une figure de créateur – s’insère dans le cadre d’un projet théorique où le caractère naturel de l’esthétique française, opposé à l’artifice italien, est central. La Vie de Le Cerf met toujours en avant l’idée de simplicité. Le Cerf dépeint Lully comme un auteur inspiré et génial, que l’on voit écoutant et notant la déclamation de la Champmeslé pour se fixer sur ses tons (qui prévalent sur toute complexité harmonique). Le Cerf rapporte encore l’anecdote selon laquelle Lully, à cheval, aurait eu l’idée d’un air de violon dans lequel on sent le pas d’un cheval, l’idée principale étant que la musique de Lully imite la nature. Ainsi, le processus d’écriture de l’opéra chez Lully serait, selon Le Cerf, gouverné par le rapport au chant plutôt qu’aux règles techniques de la composition. La musique de Lully serait donc d’abord « un discours ». En choisissant de peindre Lully par des anecdotes, avérées ou non, Le Cerf s’inscrit dans une topique, celle de la vie d’artiste, héritée de l’antiquité. Il revendique des récits qui peuvent prêter à caution, structurant par là même son projet polémique : il crée une figure plus familière, clef de lecture de son art (car pour comprendre un art, il faudrait comprendre l’homme qui l’a créé). Il défend ainsi l’idée que la musique de Lully, comme toute la musique française, peut être comprise de manière intuitive, sans passer par une étude approfondie. Le Cerf déplace ainsi le discours sur l’art de la musique (Raguenet) vers la défense de la simplicité (loin de la sophistication de la cour) et l’utilisation de l’anecdote. Il place au coeur de sa théorie esthétique l’imaginaire de la langue française. La querelle de la musique italienne devient un moment d’élaboration d’une pensée de la musique française. On voit donc comment, issue d’une polémique, la Vie croise des phénomènes attestés pour en faire les indices d’une identité culturelle.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01762641 , version 1 (10-04-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01762641 , version 1

Citer

Laura Naudeix. Créer un créateur. La figure de Lully dans la querelle de la musique italienne (1702-1706). La création en questions: discours et disputes, Université La Sorbonne, Jun 2013, Paris, France. ⟨hal-01762641⟩
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