, puisque dans la plupart des pays européens, le prix du livre est fixé par l'éditeur et il est exclu du libre jeu du marché. Reste la question, peutêtre la plus importante, mais aussi la plus difficile, que tu poses : l'être oeuvre (pour reprendre la formule d'Anne Moeglin-Delcroix) du livre d'artiste lui confère-t-il un statut à part parmi les livres ? Moi, je souhaiterais que ce ne soit pas le cas, et que ce soit plutôt une question de valeur : je respecte un bon livre, quel qu'il soit, et j'en prends soin autant que d'un livre d'artiste, que j'apprécie. J'apprécie les éditeurs qui, aux livres qu'ils publient, prêtent une attention aussi grande que si c'étaient des « oeuvres ». Et c'est là, je pense, un des intérêts du livre d'artiste par rapport à la théorie esthétique : ils modifient le rapport à l'esthétique qui perd alors sa valeur absolue et son intérêt central. En tant qu'éditeurs de livres d'artistes, nous ne faisons en fait rien d'autre que ce que font ces éditeurs qui se respectent, à savoir nous prêtons la plus grande attention à ce que la conception éditoriale, les solutions typographiques, les choix technologiques, les aspects matériels, etc. du livre (pour autant qu'ils sont à la charge de l'éditeur), simple carnet vierge par le fait que dans le livre -fut-il un livre d'artiste -les pensées sont « glissées » entre les pages. Il y a bien sûr de bons livres, et de moins bons? Et ce statut à part du livre comme objet est reconnu même dans le contexte du capitalisme effréné de nos jours

H. R. , Alors, c'est un petit musée, mais bâti avec le plus grand soin ? À moins que ce ne soit plus compliqué que ça ?

L. B. , Le livre d'artiste ce n'est pas qu'un petit musée, ce n'est pas un nouveau langage de l'art, ce n'est pas une nouvelle forme de l'art? Sa radicalité est dans le fait qu'il remet en question l'art dans toute sa complexité. C'est là son caractère subversif : chambouler l'ordre établi pour interroger les principes fondateurs (de l'art). C'