, En effet le méta-discours joue sur une auto-dévalorisation récurrente. La narratrice ne cesse de discréditer sa propre écriture, déplore sa « folie » de vouloir décrire (PrP, Pl III, 661), Ajoutons un dernier aspect qui montre à quel point il est difficile de saisir les identités décalées, les écritures biaisées, les occultations qui dessinent dans l'oeuvre colettienne une véritable esthétique de la complexité, vol.658

, Pl II, 1081), de « buter » sur un mot (EV, Pl IV, 860), et même de « reculer devant les mots » 6 ; problème qui peut aller jusqu'à un véritable conflit se dénouant, prétend-elle, toujours à son détriment : « j'ai bien cru ne pas m

, Ce topos de la difficulté d'écrire peut aller de la simple rhétorique de l'atténuation, lorsque la narratrice « tâte timidement » une nouvelle comparaison, vol.699

». Si-j'ose-Écrire and ». Si-j'ose-dire, confirment l'incessant parti pris d'édulcorer, d'atténuer la force d'un paradoxe, l'audace d'une métaphore, comme si l'écriture reprenait d'une main ce qu'elle donne de l'autre : la création littéraire se présente ainsi comme un rééquilibrage incessant entre la liberté poétique et la nécessité de se contraindre, mais crée également une tension qui, pour ludique qu'elle soit, déstabilise aussi la lecture en sapant la position auctoriale, vol.8

, Tout ce méta-discours, distillé au fil du texte, est porteur d'une dynamique à visée auto-critique, à effet auto-correctif, voire auto-corrosif, comme si l'écriture tirait artificiellement une dynamique de sa propre négation. Ce jeu de cache-cache très subtil, qui participe à la complexité de l'oeuvre colettienne, engage le principe même de l'acte créateur qui évolue non de manière linéaire, La narratrice simule sa propre insuffisance face au langage et à l'écriture : si le mot « allait m'être trop grand ? » (FB, Pl IV, 980)

, La dérobade est l'autre forme d'une stratégie récurrente qui brouille les pistes et complexifie l'acte créateur. A l'oral, elle constitue chez Colette un vrai réflexe de communication et André Parinaud s'en énerve

C. Dans-colette-au-cinéma, A. , and O. Virmaux, Fayard, p.44, 2004.

C. Au and C. , , p.61

P. Prp and . Iii, , p.1062

, Colette ne donne pas de réponses explicites, entretenant un flou qui contribue à l'opacité. A la fin des romans, l'esquive est comparable : les dénouements sont escamotés, la confrontation attendue et différée ne se produit jamais, laissant les lecteurs à leur attente. A ce titre Parinaud serait un archi-lecteur, porteur de toutes les frustrations du public. Mais il est intéressant que cette dérobade s'exprime toujours en termes de négation linguistique. Ainsi, à la fin du Blé en herbe, souvent 10 : dans sa vie comme dans son oeuvre, p.84, 1996.

L. La-fin-de and . Seconde, Et cette pratique s'étend aussi aux textes brefs de l'autobiographie, comme la fin de « La Couseuse », où la narratrice conclut qu'il convient, « devant l

, La dérobade prend souvent en finale une forme stylistique plus élaborée et complexe, relevant d'une manoeuvre littéraire (la fin de La Naissance du jour ou celle du Pur)

, où l'emploi du non-dit déclaré est utilisé à des fins littéraires. Car les lecteurs se retrouvent un peu comme Valentine dans son chagrin d'amour, face à la narratrice des Vrilles de la vigne qui lui promet la guérison : « vous sentirez dans votre coeur une chose inexprimable » ; elle « exprime » quand même cette « chose » sur laquelle elle brode poétiquement, ce mieux être qu'elle compare à la couleuvre qui « s'étire voluptueusement », à la chenille, à la « déchirure soyeuse » de « l'iris qui éclôt ». Mais Valentine, en réceptrice frustrée, l'interrompt et lui saisit les mains : « Encore ! encore ! dites encore !... » A quoi la narratrice répond : « -Encore ! mais c'est fini, mon enfant. Que voulez-vous donc ? » (Pl I, 1023) Il semble, ainsi, que l'intérêt de l'écriture colettienne se situe plus dans ce qu'elle dérobe de réponse que dans ce qu'elle éclaire de questions. L'écriture poétique (au sens large) fonctionne à l'inverse de l'écriture thérapeutique. Nous avons tourné pendant ce colloque autour de ces ambiguïtés, conscients que la complexité est ellemême l'objet d'une construction. Enrichis de nos incertitudes, nous pouvons continuer à interroger les stratégies et les doubles jeux que Colette a magistralement agencés dans son oeuvre, Comme elle tenait à garder le « dernier mot » dans toutes ses relations (FB, Pl IV, 1059)