, Bien sûr, des cas de syncrèse existent, lorsque le narrateur suscite notre aversion pour cause de propension au mensonge et/ou à la manipulation ; mais dans l'immense majorité des cas, le narrateur antipathique est « indigne de confiance » (« untrustworhty ») plutôt que « non fiable

, Il est d'ailleurs possible que le potentiel scandaleux de cette configuration narrative particulière s'en trouve somme toute renforcé, puisque en dépit de l'hostilité qu'elle suscite en moi, je dois alors convenir de la compétence de l'instance qui assure la conduite du récit. En outre, on l'a vu, cet inconfort est accentué par l'empathie que suscite mécaniquement l'accès à l

, Aussi nombre d'écrivains s'ingénient-ils à atténuer ce scandale, en désambiguïsant la scénographie énonciative de leur oeuvre : Irvine Welsh, intitulant l'un de ses romans Une Ordure 40

R. Lourie and . De-moi, Staline 41 , dès le péritexte de cette autobiographie apocryphe : « Quel que soit l'esprit qui s'est emparé de moi pour me faire écrire ce livre, je souhaite qu'il s'en aille à jamais. » Mais l'on sait bien qu'à l'inverse, d'autres auteurs, comme Houellebecq, cultivent l'ambiguïté, en jouant des ressources déstabilisantes de la polyphonie 42 . Dès lors, pour finir, une question peut se poser : faut-il ou non « fréquenter » les narrateurs antipathiques ou monstrueux ? Si

, Martha Nussbaum 43 y répond par la négative, à mes yeux, la réponse est à l'inverse clairement positive. En effet, même si les narrateurs antipathiques sont pourvus d'un ethos

, En outre, s'il est certes possible de construire un narrateur antipathique en relation hétérodiégétique, ce choix risque bien souvent d'inciter les lecteurs à estimer que c'est alors l'auteur qui peut être perçu comme antipathique. Force est en tout cas de constater que l'édification d, Telle est la principale raison pour laquelle les exemples précédents ont été prélevés dans divers textes relevant de cette relation de personne

. Filth, , 1998.

S. Paris, , 2003.

, Sur ce point, voir Raphaël Baroni, « Comment débusquer la voix d'un auteur dans sa fiction ? Une étude de quelques provocations de Michel Houellebecq, pp.72-93, 2016.

, Voir en particulier La Connaissance de l'amour. Essais sur la philosophie et la littérature, Éditions du Cerf, 1990.

, Sur cette notion essentielle, voir Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, 1999.

, Sur cette question, on se reportera avec profit à la très rigoureuse mise au point de Vincent Jouve, « Valeurs littéraires et valeurs morales : la critique éthique en question », Les Carnets du CRIMEL, mars, 2014.