A. Si and . Dans-le-jardin-d'en-bas, L'interaction végétale et animale ne cesse de jouer au détriment du double et l'acquisition du secret natal demande une initiation difficile. La chatte méchante hérite de sa mère (la filiation est assurée par les femmes) sa ressemblance parodique à Marthe, mais surtout son esprit provocateur. Alors que sa mère Péronnelle n'aurait pas cédé, vigne vierge qui tend "ses avides crochets" -ibid.), les deux doubles descendent vers le jardin caché : la prolifération végétale -sur ce territoire traditionnellement maternel dans l'autobiographie -nie soudain la destruction intérieure

. Ainsi, C'est ça, mes enfants : allez dire vos petits secrets !" -RS, Pl I, 942), et le retour de Marthe interrompt l'échange vital. La rivale de Claudine compense sa mise à l'écart momentanée ("c'est fini, ces secrets ?" -RS, Pl I, 948) par une reprise en main tonitruante de l'intrigue. La poursuite de l'errance -dont la fausse mère donne le signal rituel, cueillette végétale et l'intervention animale visent, dans leur modalité agressive, à faire réagir Annie pendant qu'il est encore temps

, Le secret natal est insidieusement sapé par la fausse ingénuité de l'initiatrice rivale. Il est bientôt scandaleusement détourné par l

G. Annie, avec une soumission de fausse jeune fille, fleurit le veston blanc de l'alcoolique d'une Jacqueminot à peine ouverte

A. Natale, Le secret natal est donc doublement démenti par le cumul final de l'errance sociale et amoureuse. La cueillette natale sera, avec le recul, définitivement évacuée puisque sur la route d'Auxerre, Annie inspirée par Marthe imaginera, "sous la verdure luxuriante et sans fleurs" (RS, Pl I, 953) du jardin de Claudine, la silhouette d'un jeune jardinier. Elle réduira ainsi la topographie du sol natal au seul souvenir du jardin d'en haut, justement sans fleurs, effaçant l'existence de la richesse florale en contrebas. L'élection de la sphère superficielle accrédite un compromis équivoque: la catégorie professionnelle de l'amant rétablit l'effet de double (à Casamène Annie avait aussi convoité "le fils du jardinier" -RS, Pl I, 936) et insinue l'abandon de la riche aventure végétale au profit d'une activité "jardinière" moins innocente. Le secret délivré par la cueillette natale ne peut donc être mis à

, immondices distinguées" qu'il "franchit d'un saut" (FinC, Pl III, 185)

. Desmond, Toute cette énergie a fondu après l'entrevue. L'itinéraire de départ est occulté de la narration et Chéri est visualisé instantanément en bas de l'escalier. La direction, devenue incertaine, contraste avec la détermination de l'arrivée, demanda Desmond

. Le-rythme-s'est-déjà-ralenti-lors-de-la-quête-suivante-;-finc and I. Pl, Il faillit s'en retourner" -FinC, Pl III, 213) bientôt confirmée, à l'intérieur, par le regret d'être venu : "s'il avait su, il n'aurait jamais gravi l'étage, jamais franchi le seuil" (FinC, Pl III, 218). A la fin de la visite, le vide mental rend le départ machinal et instantané ("L'escalier passa sous les pieds de Chéri" -FinC, Pl III, 229)

, Pl III, 270) La dernière quête s'organise donc contre la volonté du héros. Il y cède par une sorte de fatalité biologique contre laquelle il ne parvient pas à lutter : un temps incertain, la menace d'une averse, suffisent à "appeler" (FinC, Pl III, 266) Chéri vers son nouvel abri et une odeur reconnue lui "assigne" un rendez-vous auquel il décide d, Chéri perd donc progressivement l'illusion de la quête : la baisse de la motivation se traduit, dans l'étape suivante, non plus par un ralentissement du rythme mais par un refus délibéré de tenter un nouveau repli

, Lorsque Chéri arrive chez Desmond, "l'odeur de la maison lui barr[e] la route comme une corde tendue" (FinC, Pl III, 185). L'écriture trace un rapport immédiat entre la réalité olfactive -perçue comme une agression -et son incidence sur l'espace. L'odeur crée une "Qu'est-ce que je fous ici ?, Le ralentissement du rythme d'une étape à l'autre correspond à une déception renouvelée et à une dégradation commune des repères olfactifs, vol.182

, Chéri se pose la même question chez lui, chez Desmond et chez Léa : ce seul parallèle dénonce la perte

, La progression d'une étape à l'autre accuse également le désengagement du discours. L'entrevue

, Chéri pour l'argent. Cette "confession" (FinC, Pl III, 188) -apparemment propice au dialogue -fait en réalité échouer le partage : d'abord parce qu'elle provoque le désaveu de Desmond, chantre des valeurs marchandes, mais aussi parce qu'elle occulte l'essentiel (Chéri repart avec

P. Finc and . Iii, Le non-dit, source rituelle d'écriture et support ici de la métaphore gastronomique, coupe donc le protagoniste -sur le mode tragique ou dérisoirede l'objet de sa quête. Le refuge chez la Copine permettra l'officialisation du non-dit

, Affaibli par cette projection forcée hors de lui-même, Chéri "se sentit las" (FinC, Pl III, 191). Chez Léa, l'épuisement s'aggrave, consécutif à une égale usurpation du discours : l'interlocutrice vise en effet à combattre, Cette réserve, espace de défense et de frustration, s'accompagne d'un rapport de violence au discours

. Le-silence..-;-finc and I. Pl, Cette deuxième lutte, qui consume l'énergie défensive, achève l'épuisement final. Dans le troisième refuge, c'est le discours de l'interlocutrice qui procure au contraire le répit de la conscience. La première rencontre avec la Copine montre déjà l'importance de sa prestation orale

E. , Mais il gouvernait, tantôt brutal, tantôt subtil, un cours boueux et lent de souvenirs

, En quête de refuge, Chéri subit l'agression du discours maternel et "se raidi[t] à chaque interrogation" (FinC, Pl III, 220). C'est dans le corps même de l'enfant que s'inscrit la perte de la mère, par une blessure localisée ou une raideur de tout l'être, annonciatrices de la mort. Tous les appels intérieurs de Chéri au silence s'apparentent dans l'écriture à un traumatisme physique

, De la tuméfaction subie à l'amputation volontaire, la souffrance s'accroît et révèle déjà la tentation suicidaire

, mais accuse un rapprochement vers le haut et vers les organes vitaux. Cette contamination progressive de tout l'être se traduit bientôt par une déglutition difficile et Léa remarque "la manière pénible dont il avala sa salive" (FinC, Pl III, 222), Elle continue à affecter les organes périphériques

, De l'amputation à l'hémorragie, la deuxième entrevue est sanglante et la parole maternelle est une tenaille inattendue qui met le corps de Chéri à l'agonie. L'échec du retour provoque donc une mort violente, La souffrance visible qu'imprime le dialogue sur le corps de Chéri aboutit à l'insoupçonnable trépas intérieur du moi natal, déjà "frappé à mort" (FinC

. Ainsi, . Finc, and I. Pl, 228), déjà comparé par Léa à "Fantômas" (FinC, Pl III, 223) pour sa désertion prolongée, voit son apparence spectrale s'accroître soudain dans l'écriture et exige de "se dissoudre" (FinC, Pl III, 228). D'abord réduit à un dialogue de sourds entre un oiseau égaré et une vieille poule, entre un revenant et une disparue, l'échec du retour culmine dans ce congé civil que prend le supplicié de son bourreau

A. , un faux espace -surgi de nulle part -offre un vrai repli. Les deux tomes marquent ainsi le succès du retour au faux espace ; mais alors que celui-ci recouvrait

+. ,

. Le, La Copine est l'agent paradoxal d'une libération suspecte et se situe à la charnière des deux modèles maternels officiellement en place. Elle tente d'abord de rayer Charlotte des figures référentielles du roman

, ne voyait que toi sur la Promenade, tout en blanc comme un bébé anglais, et Léa tout en blanc aussi, Ah ! quel couple ! Merveille sortie des mains du Créateur !

, La célébration de l'expérience natale débute par la symbiose du corps maternel et filial (unité de couleur et dominante pure), qui prépare la relation incestueuse. La Copine se présente comme la dépositaire de la mémoire natale et rappelle à l'enfant ce qu'il a oublié. Elle le rassure sur son existence ("on ne voyait que toi") : la présence maternelle de Léa garantit l'omniprésence et l'identité du moi natal

, Ce panégyrique -condamné à rester oral dans l'espace collectif et anonyme du bar -est bientôt doublé d'un support visuel dans l'appartement particulier de la Copine : les photos de Léa -dernier objet de la prodigalité maternelle -en tapissent les parois et délimitent artificiellement une nouvelle sphère de repli. Elles stimulent le discours hyperbolique de la Copine : Une déesse, une fée, là-dessus ! Elle marche sur les nuées !

, Pour se constituer détentrice de ce trésor sacré, la Copine a dû livrer un combat contre les forces du mal et s'opposer à l'autodafé du corps maternel : son "sang s'est révolté" et elle a "jeté des cris d'enfer" (ibid.) pour sauver les photos célestes que Léa destinait au feu. La restauration de l'ordre natal s'apparente donc à celle de l'ordre divin, et la Copine quête, chez son néophyte, tous les signes d'une grâce soudaine, de cette foi spontanée qu'elle a prédite et dont elle demande sans cesse confirmation ("voyons, en conscience"). Mais la grâce que sollicite avec prolixité cette prêtresse d'un culte dépassé n'a rien de commun avec la subtile adhésion natale, acquise d'emblée et reléguée au silence. Dédaignant de confirmer sa conversion, Chéri se livre à un examen minutieux et discret qui aboutit à la reconnaissance du corps natal: "'C'est la robe bleu marine et le chapeau avec des mouettes', se dit Chéri en lui-même, Le mélange des registres mythologique, folklorique et religieux redonne au corps maternel sa valeur onirique perdue. Tous ces procédés oratoires (qui restent primaires) se conjuguent et reconstruisent le chef-d'oeuvre maternel déchu

. Léa-de-bleu-vêtue and . Natale, Mais la réalité est moins clémente que le rêve : car le "type" (FinC, Pl III, 254) sur la photo avec Léa est une figure rivale, autre jeune homme "ravissant" (FinC, Pl III, 256) que l'auxiliaire -inconsciente de l'impératif d'unicité -situe "deux tours" avant Chéri (FinC, Pl III, 255)

. Avant, authenticité de la relation filiale -qui est remise en cause pour Chéri : incrédule, il se voit confirmer, malgré la dégradation du motif, la permanence du lien natal. L'affirmation "c'est ma mère", à valeur extensive, entraîne chez le fils une réaction immédiate de défense par la dérision. Ainsi, la mort lointaine d'une inconnue de 83 ans reçoit en cette fin de roman une fonction symbolique : celle de confirmer la pérennité dérisoire du lien natal. La mère ne reparaît dans le discours que pour en disparaître définitivement : Elle essaya d'être offensée

, La Copine répond à l'irrévérence de Chéri par l'hypocrisie : l'auxiliaire de la quête s'est transformé en double filial inattendu et dénaturé, soeur grotesque qui favorise l'alliance de tous les clans filiaux au détriment du clan maternel. Le châtiment est donc double : exécutée, la mère est privée d'un deuil véritable et n'est saluée que par l'obligation d'un respect social officiel. Mais l'indifférence manifeste de la Copine contraste avec l'importance inavouée de l'enjeu pour Chéri : la mort de la mère entraîne directement

, La Copine se confirme donc comme émissaire trouble du destin et gestionnaire fatidique de la cause maternelle ; après avoir délibérément condamné la fausse mère à une non-existence punitive, elle provoque involontairement la double exécution de la vraie mère : par une première résurgence suspecte et scandaleuse, puis par une liquidation finale précipitée. Cette dernière influence contraste avec les bonnes intentions officielles de l'auxiliaire (célébration du corps maternel

, Cette influence directe se complète d'un autre lien aussi fatal à la cause maternelle. Le surnom de la

C. and P. Ii, Copine vient de sa liaison avec la Loupiote ("Chose... vous savez bien... la copine de la Loupiote

C. Chéri, Or il se trouve que la Loupiote est déficiente, dans tout le roman, comme destinataire de la relation : d'abord parce qu'elle est infidèle

C. and P. Ii, Le retour est donc dénigré et raillé par la cause adverse, et pour cette seule inconvenance, la Loupiote mérite la mort : [?] quelque chose vacilla dans sa voix lorsqu'elle parla d'une Loupiote morte -"la semaine de ton mariage

M. L'invraisemblance-temporelle-révèle-la-fonction-symbolique-de-cette, Cette fausse coïncidence vise donc à forcer le parallèle entre Chéri et la Copine dont les malheurs -d'une durée commune -se recoupent. La lampe rose la quête du repli, la boisson ancienne dans le cadre immuable procure à l'exilé un premier répit. Cet effet d'analgésique provient de la double origine natale du breuvage dans l'oeuvre (Sido elle-même produit son sirop de groseilles qu, Pl II, 1047.

C. , de retour à la maison natale, offre aussi à ses invités "le sirop de framboises coupé d'eau fraîche" -RS, Pl I, 941)

, C'est pourquoi il partage le whisky de la Copine contre son gré : comme les enfants, il n'aime pas l'alcool). L'influence sous-jacente de l'expérience natale est confirmée par deux résurgences implicites de la figure maternelle, dans le discours oral et écrit. Il [?] s'essuya la racine des cheveux, d'une manière précautionneuse qui lui venait de loin, d'une époque où il entendait, garçonnet, une musique féminine de voix échangeant des sentences, avec une gravité biblique, L'absorption du sirop projette donc Chéri dans un oubli provisoire de l'exil et dans un état de réceptivité aux valeurs natales

O. Jr and . Ix, Si les voix de fées penchées sur le berceau natal sont plurielles et anonymes, c'est que la vraie mère (adepte officielle, dans la version de Chéri Soldat, du lait de concombre -Pl II, 858) ne peut être identifiée en temps d'exil : la musicalité de la voix maternelle est pourtant conforme au modèle autobiographique, vol.309, p.718

, du vrai") et bienfaisante. Exilé, menacé de mort, Chéri entend remonter en lui -des sphères natales inconscientes -l'exutoire possible au manque. La mère, génératrice de la cassure, reste celle qui donne la clé du renouveau. Le deuxième précepte complète le premier ; en conjurant l'action pénétratrice et destructrice de la sueur (dont la symbolique ramène au monde du travail ou de l'effort sexuel, opposés à la pureté laiteuse du monde natal), la mère détourne l'enfant de l'auto-complaisance qui, au lieu de libérer, le ramène sans cesse et l'asservit à la réalité de son manque. La mère tente donc, du fond de son ellipse natale, de lever la menace qui pèse sur Chéri et de le détourner de l'autodestruction par une projection hors de luimême, Néanmoins ces préceptes semblent obéir à un code secret et leur incongruité suggère, par-delà la portée physiologique du message

, Comme la parole et l'écriture de Sido servent de fondement à la recréation autobiographique

, Chéri est sur le point de sortir -et donc de renoncer à l'espace provisoire du repli -lorsqu'il est "retenu par une petite arabesque scintillante, hasard, mais l'intention régressive reste en deçà du discours. Ainsi, chaque fois que l'auxiliaire lui demandera de confirmer son retour, le héros éludera la question : "Vois venir" (FinC, Pl III, 256) ; "Fais comme si je venais sûrement" (FinC, Pl III, 263). Le retour n'apparaît jamais certain ni précis, résurgence du discours maternel se complète ici d'une intervention écrite

. Dans-cette-Étape-finale, Chéri "buvait des sirops, vol.262

. Cette-boisson-d'origine-natale-s'accompagne-dans-le-texte-de-l'exigence-non-moins-natale-de-chasteté, La boisson natale, authentique et auto-suffisante, s'oppose à tout autre consommation suspecte (narcotique ou amoureuse) contraire à la sobriété natale. Mais Chéri commet l'erreur de se laisser gagner à un seul partage : J'ai du café frais

, Mais tous les breuvages partagés avec la Copine -qu'il s'agisse du whisky pour le goût ou du café pour l'illusion -sont suspects ; en effet, le café noir est toujours associé à la mort : lorsque la Copine en sert pour la première fois à Chéri, elle vient de s'extasier sur sa beauté d'outre-tombe, Tant que Chéri boit du sirop, il est immunisé

. -merci, FinC, Pl III, pp.267-268

. Le-prétendu-hasard-recouvre-une-nécessité-romanesque, parvenu au terme de sa mission, l'auxiliaire laisse au héros le moyen d'en finir. Et c'est en effet l'odeur du café qui appellera Chéri, comme magnétisé et presque malgré lui, à son dernier et fatal rendez-vous. Agité avant de se tuer, il se versera "une tasse de café tiède

, Le café n'est pas seulement un breuvage mortel, il constitue l'un des supports de la fausse évasion

, Chéri est en effet paré, lors de ses stations sur le divan, d'une tunique orientale : l'apparition de cette "robe japonaise" (FinC, Pl III, 260) concorde avec une abstinence généralisée et une "gymnastique d'impassibilité" (FinC, Pl III, 266) : promu à un stoïcisme nouveau, Chéri renonce au siècle, endosse la robe des moines et, soumis à un rythme réglé "comme une vie religieuse" (FinC, Pl III, 263), entre dans les ordres, En tant que véhicule vers des "îles bienheureuses

I. Pl, 260) qu'il est "somptueux" (FinC, Pl III, 262), et qu'il sert d'artifice dérisoire pour masquer la pauvreté sous-jacente

, Une portière orientale, drapée en dais, descendait du plafond au-dessus du divan, abritant un Chéri d'ivoire, d'émail, de soie précieuse, couché sur une vieille laine rase pénétrée de poussière, p.261

, Ainsi cette richesse voyante qui embellit les motifs supérieurs est démentie par la pauvreté sordide qui affecte, menace et pénètre les couches inférieures du tableau. La misère se manifeste sur le mode de l'insidieux, et de l'informe (poussière) qui contraste avec la rigidité de l'émail ou de l'ivoire. La misère inavouée est reléguée aux bas-fonds du non-dit : le matelas du lit mortuaire ne dénonce pas seulement la pauvreté de l'auxiliaire, mais le dénuement du héros. Le décor exotique vise donc à donner le change, et accréditer le succès du faux retour : si celui-ci peut faire illusion, il est incapable d'assouvir le manque. Mais ce sultan éminent, voluptueusement couché dans un décor somptueux des Mille et une nuits, règne en fait sur le royaume du rêve et de l'ombre. Contrastant avec les formes éclatantes et prolixes du leurre oriental, l'espace du repli, objet d'un dépouillement narratif, est rebelle à toute description objective. Il s'énonce dès le début en termes neutres, La richesse qui transfigure toutes les sphères supérieures s'inspire des matériaux exotiques les plus précieux (ivoire, soie, émail) pour restructurer le corps affaibli de Chéri et lui redonner -à travers l'apparence tangible -une identité ferme. Mais cette statue d'ivoire, façonnée par l'auteure dans le temple oriental et dotée d'une consistance compensatoire, annonce déjà l'échéance finale et s'apparente aux figurines sculptées décorant les scènes mortuaires, p.251

, Je te préviens que le vestibule n'est pas clair, ni d'ailleurs, comme tu vois, l'entrée de la maison, Pour motiver le héros, l'auxiliaire garantit deux des attributs oniriques du repli : l'étroitesse et la marginalité (présentés habilement comme corrélatifs)

. Ce-n'est-pas-seulement-le-vestibule, . Soumis-À-une-même, and . Obscurité, Comme la maison de Charlotte, le faux espace est régi par la même dominante de couleur "vaguement grenat" (ibid.) qui s'oppose au rose éclatant du modèle natal d'origine. Mais provoquée par la première entrée de Chéri, toute précision descriptive disparaît par la suite au profit d'un obscurcissement uniforme. La noirceur (toujours associée à une neutralité descriptive) constitue en effet l'objet de la convergence : Chéri entre "dans ce trou noir" (FinC, Pl III, 262) ou se dirige vers "son noir abri" (FinC, Pl III, 266) pour consommer un breuvage couleur de deuil. La noirceur du repli concrétise le retrait du monde : cette "pièce basse" (FinC, Pl III, 253) où Chéri arrive avec la nuit et d'où il repart avant le jour, correspond oniriquement au ventre maternel. D'où la difficulté de réintégration par cet itinéraire natal à rebours : "C'est là. Ouvre-moi la portière qui est dure, Chéri." (ibid.) La résistance du texte au faux retour se perçoit aux difficultés d'approche. Alors qu'à sa première visite, Chéri cherche, vol.218

V. and P. I. , Alain rêve des zones non-solaires abritées (Cha, Pl III, 837) -, c'est que l'obscurité correspond au non-dit, au rêve clandestin qui permet, en cas de menace, une sphère positive de retrait. Chéri présente le seul cas où la clandestinité, poussée à son point ultime, devient destructrice. En recherchant un refuge secret et dérisoire, En effet, le retour paradoxal à la cavité maternelle n'apporte aucune vraie vie, mais la stagnation et la mort, vol.252, 1209.

, Chéri ne trompe pas sa femme) : "-C'est vrai qu'un enfant n'est pas plus raisonnable que tu l'es... " (FinC, Pl III, 263) L'auxiliaire confirme donc le retour à l'âge natal que légitime l'espace du repli : la "garçonnière" (FinC, Pl III, 251) ne va pas être le lieu élu d'adultères savoureuses comme l'espère la Copine, mais le nid retrouvé où Chéri redevient le "garçonnet, par opposition non plus aux normes maternelles absentes mais aux critères de moralité adulte

, couché à même le sol, gratte "rythmiquement" le pré et (comme "la femme qui souffre pour mettre au monde son fruit" -BH, Pl II, 1244) accouche finalement de lui-même et de sa nouvelle identité d'homme, Chéri est soumis répartition plus stricte des normes de l'authenticité. La responsabilité de l'exil incombe désormais à une seule figure étrangère et la mère reste indemne. A l'espace natal unique et uniformément accueillant, correspond le vrai retour soldé par un franc succès. Délivré de l'angoisse et rétabli dans son identité natale, le protagoniste peut concentrer sa lutte contre les forces du mal, La mise en scène finale inverse ainsi les scénarios de tous les autres romans : alors que Phil

, Pour dépasser l'échec de Chéri, l'auteure doit réaménager le triangle de base : comme dans Chéri, la cause natale se divise en deux partis maternels, l'un juridique et officiel (Mme Amparat), l'autre à valeur onirique

, Elle est seulement effacée, en retrait par rapport à l'instance principale qui -bien que d'acquisition récente (trois ans contre six pour la relation Chéri/Léa) -concentre l'attachement. Il s'agit donc de deux manifestations maternelles solidaires et bienveillantes

, Comme dans Chéri, les deux partis maternels ont des intérêts communs, mais leur entente

, cordiale, est moins ambiguë. Ainsi, la première mère est souvent porte-parole de la deuxième : alors que

, Mme Amparat se trompe souvent de mot sur les notions qui la gênent ("caravansérail" au lieu de "capharnaüm" pour désigner l'espace conjugal -Cha, Pl III, 834), elle sait trouver le mot juste et très subtil pour définir Saha, C'est ta chimère

C. Dans-chéri-;-cha, . Cha, and I. Pl, Alors que le mariage demande, comme dans Chéri, l'abandon de la mère/amante, et détermine la baisse plus ou moins rapide de la jalousie chez l'étrangère (dans le deuxième tome, Edmée ne craint plus Léa), le maintien de la relation triangulaire exacerbe les passions et devient le catalyseur direct du retour. Mais la fonction de mère, comme celle d'amante est, chez Saha, symbolique : alors que Léa revitalisait et nourrissait concrètement Chéri, Saha se définit comme mère par rapport à la désertion. Elle est chargée de dénoncer le scandale dont est complice la mère naturelle trop indulgente (qui peut en cela s'apparenter à la fausse mère), la deuxième mère fait aussi figure d'amante : Saha peut mordre Alain comme une femelle "en plein plaisir, vol.822

, La mère biologique d'Alain, qui a pactisé avec l'étrangère (qu'elle appellera bientôt sa "nouvelle fille

I. Pl, Là encore, c'est la mère collaboratrice qui explicite l'attitude de Saha et attire l'attention du fils sur le modèle d'exclusion. Le rire soudain d'Alain extériorise le malaise resté tacite au cours de l'intrusion étrangère. La complicité natale spontanée, libératrice, se joue au détriment du parti conjugal adulte. Le mariage renforce le désaveu maternel : alors que les deux mères observent la même réserve pudique au premier retour de l'exilé (ni l'une ni l'autre ne "l'embrasse" -ibid.), Saha va plus loin et accuse dans son corps les marques de la désertion : pelage négligé, rythme cardiaque irrégulier, "visage égaré" (Cha, Pl III, 833) (ce qui rappelle le visage de Sido abandonné à une "affreuse tristesse" le même lendemain des noces de sa fille -No, OCC VI, 219) et refus suicidaire de se nourrir. De nouveau, la mère naturelle sert de faire-valoir à son double romanesque : "Ni dîné, ni bu son lait ce matin, est rachetée de sa trahison par l'intransigeance de la deuxième mère qui donne l'exemple de l'inhospitalité, vol.834

, Elle permet ainsi au fils de progresser dans l'analyse interne de la désertion et d'en assumer les conséquences : en assimilant le mariage à un départ, un voyage, une distance, le fils amorce l'exigence finale du retour. L'amaigrissement de la chatte va donc s'aggraver au fil de la désertion, et tourmenter le coupable qui, à chaque retour, soupèse le corps maternel et se lamente : Mais maman, Saha est malade ! Elle a mauvais poil, La mère naturelle soulève le paradoxe de fond qui sous-tend le désaveu animal : la compréhension instinctive de l'enjeu conjugal par Saha

, La fausse mère, qui a délégué à la vraie la souffrance de la désertion, se voit reprocher sa légèreté et sa défense implicite du statu quo conjugal. Ironiquement, c'est la mère symbolique qui porte, avant le fils, les stigmates de la fugue. Ironiquement encore, le déserteur, pour la protéger, va l'exposer plus gravement ; en la transplantant sur le territoire étranger, il précipite la menace de mort : la chatte continue à maigrir en attendant le retour, mais à cette première anorexie suicidaire s'ajoute la menace de meurtre. La mère est mortellement mise en danger

, Le coupable commence à porter bientôt lui-même les stigmates de sa propre fugue, identiques à ceux de la mère symbolique

. La-main-maternelle, atteignit et palpa, sur Alain, des points faibles et connus, -l'omoplate, la pomme d'Adam, le haut du bras

, 970) la guérison -elle lui trouve "plutôt un peu meilleure mine" (Cha, Pl III, 854), évitant d'accuser le parti rival -le déserteur reprend en charge lui-même l'accusation. Au souvenir de la caresse maternelle, il serra sa ceinture sous son veston, J'ai maigri

, -ibid.), le protagoniste amaigri s'apercevra bientôt que sa femme "engraisse" de lui (Cha, Pl III, 857) et se révoltera contre le vol de l

. Ainsi,

, Avant la désertion, la représentation maternelle varie selon son degré de compromission avec le camp adverse : hôtesse et complice de l'invasion étrangère, elle est totalement absente de la description, effacée du récit et réduite à sa seule voix, vol.816

U. Gravier, Alain vit en lui-même la main qui guidait le râteau

, Elle est aussitôt entérinée par l'échange verbal qui fonctionne comme rite, et non dialogue social signifiant : Alain "n'écoute pas les paroles" de sa mère et se trouve conforté dans son identité natale par la seule tonalité orale, La reconnaissance du corps maternel s'effectue à partir de l'instrument de jardinage

, Le gros gant blanc, à ras de terre, relevait une tige, pinçait des brins d'herbe folle crus en une nuit, Un pigeon blanc furtif bougea derrière les wégélias et les deutzias à grappes rosées

, Cette main s'occupe à l'entretien du domaine au lieu de tenter des expérimentations végétales comme Sido dans son jardin : la restauration du patrimoine est seule apte à permettre le retour, et les récits tardifs accentuent le repli plus que l'aventure. La présence maternelle intégrée au décor natal reçoit, lors de l'invasion étrangère, La main maternelle occupée au jardinage provoque le deuxième rite de reconnaissance (à travers une comparaison animale dont bénéficie également Saha, qualifiée de "pigeon bleu" -Cha, Pl III, 817)

, Il cherchait des yeux le pigeon blanc, la main gantée derrière les arbustes à grappes rosées, p.833

P. Cha, . Iii-;-cha, and I. Pl, Il y a donc progression, d'un retour à l'autre, du fils vers la maison où la désertion a retranché la mère et où elle semble l'attirer. Le troisième retour consacre ce mouvement : il entraîne au coeur même de la chambre maternelle où le fils reconnaît les "cheveux blancs et drus" (Cha, Pl III, 880) de sa mère, déjà mentionnés lors des deux précédents retours (Cha, Pl III, 834 et 853) : la récurrence du motif et l'unité de couleur (les meubles de la chambre maternelle sont eux-mêmes "houssés de blanc" -Cha, Pl III, 880) fonctionnent ici au détriment de la dominante "brune" chez Camille (Cha, Pl III, 849) : la mère (blanche) et le fils (blond) présentent l'anti-version du corps conjugal. Alors que l'unité visuelle rose était dans Chéri antérieure à la désertion et acquise lors du partage natal, l'unité visuelle blanche s'impose, auparavant réduit à sa main, apparaît pour la première fois : le retour suscite la recréation maternelle, vol.834

, Ironiquement, les cheveux de la vieillesse attribués à Léa dans Chéri marquaient la dégradation du vrai parti natal en faux, alors que portés par la mère naturelle dans La Chatte, ils ne suscitent aucun décalage et favorisent même la réinsertion filiale : Alain, d'abord réticent à pénétrer dans la chambre maternelle

. Ainsi and . Qu, une des variantes de la dominante féconde et prolifique du jardin. La désertion l'individualise : elle marque la fin de l'harmonie naturelle et renvoie la mère dans son foyer tenir son rôle de témoin et d'interlocutrice privilégiée du retour. A l'action diffuse et gestuelle dans le jardin, succède l'attente immobile et orale dans la maison

, auteure -d'abord par un suicide puis par un meurtre plus éclatant -sacrifie l'une sur l'autel de la patrie

, offrant son corps martyr aux coups barbares

, huit heures un quart") et aussitôt après le petit déjeuner, Alain s'octroie en priorité la salle de bains ("dix minutes, tu permets ?" -Cha, Pl III, 832) pour repartir au plus vite. Mais ce retour pressé reste pourtant entravé, en son début comme en sa fin, dès le réveil (très tôt

.. -oui, Il parut choqué et elle rougit pour la première fois de la journée

, une minute) et en le subordonnant à la cause conjugale (surveillance du "nid"). L'aveu du retour s'accompagne donc de précautions oratoires visant à accréditer la solidarité des deux mondes. Prudent sur les modalités, Alain ne cède pourtant pas sur le refus du partage qui révèle, à l'état brut, l'incompatibilité. Mais sa tentative de justifier une cause aussi naturelle que le retour ne mène qu'à une argumentation défectueuse et suspecte qui provoque chez le parti adverse la radicalisation du conflit : interdite de partage, Camille assimile aussitôt le retour à un adultère (une visite à sa "rivale"). Impuissante à contrôler l'objectif du retour, elle parvient à le réduire dans sa durée

. L'étrangère-ne-libère-le-retour-que, pour mieux l'asservir à une cause masculine rivale (le père Léopold, les garçons) chargée de creuser la distance avec le monde maternel d'origine. Par un nouveau scandale, le retour est détourné de son vrai pôle régressif et spolié de la direction convergente : le faux retour est imposé en

. Le-retour-lui-même-porte, Il pénétra dans le jardin en adolescent qui a découché" -Cha, Pl III, 833) et ne mène qu'au constat de la dépossession. La seule symbiose permise précède la contrition, pour Phil comme pour Alain, l'impact de l'initiation amoureuse récente

, La capiteuse odeur des terreaux sous l'arrosage, la secrète vapeur d'immondices qui nourrit les fleurs grasses et coûteuses

, Alors que le tas d'immondices et l'odeur de pourriture barraient la route à Chéri dans la maison de Desmond, l'image change de tonalité dès qu'elle quitte le registre social étranger pour s'appliquer à la terre natale où elle participe à la fécondité diffuse. Le retour à la terre gorgée d'engrais figure le retour à la mère qui "nourrit" tous les membres du monde natal : si Chéri enjambait le tas d'immondices

, cette intériorisation avide de l'énergie féconde contraste avec l'extériorisation forcenée du commerce amoureux. La subtile et aérienne nourriture natale conjure déjà la déperdition d'énergie en terre étrangère

, Une fois les sévices réparés, c'est le déserteur lui-même qui n'est plus en mesure de prolonger la symbiose natale renaissante : il ne peut partager ni le repas de Saha (pour un motif conjugal : Alain a déjà déjeuné avec l'étrangère) ni son sommeil. Alors que la chatte conquise se laisse gagner au repli, Alain est obligé, par un départ à la sauvette, d'ajourner prématurément la symbiose recréée. Aux onze coups tombant d'un campanile de lycée, il se dressa et s'enfuit sans oser éveiller la chatte, Malgré cette symbiose avec la terre maternelle, unique et trop éphémère compensation du retour, l'infidélité conjugale n, p.835

. Le, et Alain regagne, en bon lycéen, l'espace de son labeur amoureux. La mauvaise conscience encadre le retour et ruine l'arrivée comme le départ. Ce premier retour est donc soumis à une double menace, de l'extérieur par l'étrangère qui tente de le partager

, d'un oeil d'exilé" (Cha, Pl III, 834), prend conscience de sa perte

, Les retours suivants accentuent ces deux menaces. Tout d'abord l'emprise conjugale y est plus forte

, ] la retrouvait oisive, prête à prolonger l'après-midi, prête à rouler sur les routes chaudes, p.836

L. Visite-quotidienne-de-camille, L'étrangère est donc parvenue à partager et écourter le retour. L'échec de ces faux retours successifs est concrétisé par leur ellipse narrative : équivalents, ils sont occultés du récit, télescopés et rapidement éludés. La seule visite conjugale qui soit narrée est la dernière, celle qui marque la fin des faux retours conjugaux. La conscience de la perte qui dominait le premier retour fait alors place à celle de l'exclusion. L'omniprésence de l'étrangère (immédiate mais aussi anticipée : Alain imagine Camille dans tous les recoins du jardin) demande le report, Cha, Pl III, 837)

, Mais le mouvement est double : si le parti conjugal est exclu de l'espace natal, l'intégration du parti natal au domaine conjugal est provisoirement tentée. L'étrangère est piégée par le caractère symbolique de la relation incestueuse : alors que Léa est écartée de Neuilly à l'annonce du mariage de Chéri, vol.750

A. Peut-emmener, . Cha, and I. Pl, Si le transfert de Saha malade se réduit officiellement à un sauvetage, il s'agit aussi pour l'exilé d'apaiser et de réduire, en terre étrangère, la conscience de sa propre marginalité. Le parti natal l'obtient sur la transgression. Lorsque l'enjeu est directement régressif

, S'il vous plaît, je voudrais que vous ne disiez pas à Camille que je suis venu aujourd'hui. Comme je suis venu sans motif, je veux dire sans autre motif que de vous embrasser, j'aime mieux

, Alain vient de prendre les mains de sa mère "comme un amoureux" -Cha, Pl III, 852) : en l'absence de la mère/amante, la proximité physique et affective est reportée sur la mère naturelle. Ce témoignage d'attachement -pour la première fois aussi manifeste -est avancé en échange implicite de l'alliance natale. L'accord maternel est habilement différé à la fin de l'entrevue, pour laisser le protagoniste sur l'impression de l'entente, La symbiose avec le monde natal (conclue par le baiser) est le seul motif déclaré du retour. Mais cette unité n'est pas innocente et fonctionne déjà au détriment de l'étrangère (juste auparavant

. Dans-le-déploiement-d'effets-narratifs, le retour final est à la croisée de trois comptes à rebours qui parviennent en même temps à échéance : la fin des travaux, le retour du propriétaire de l'espace conjugal, le meurtre de la mère. Les deux premiers sont interdépendants : supposés simultanés

, Il faut moins de temps à Patrick pour venir des Baléares, qu'à notre décorateur pour tout finir

, déménagement des locataires : cette seule dépendance du destin conjugal à une échéance étrangère accuse son manque d'ancrage. Alors que Camille accepte le départ, l'imminence du danger tire Alain de sa torpeur et dénonce le faux retour conjugal. -Des Baléares

, Le retour du voyageur est l'artifice classique pour précipiter le dénouement : déjà, dans Claudine s'en va, le retour agressif du mari despote provoquait, dès Dakar, la panique et la fuite de la protagoniste, vol.653

P. Celui-de and . Baléares, Mais le retour annoncé du propriétaire officiel cache aussi le retour du rival officieux. Ainsi, la réintégration de son appartement par Patrick ne demande que le départ d'Alain : Patrick, référence modèle pour Camille (Cha, Pl III, vol.859

. Le-meurtre-de-la-mère-libère, . Cha, and I. Pl, 877) natal : si les deux premiers retours diurnes avaient permis une réintégration immédiate par un franchissement aisé de l'espace transitionnel ("la petite porte de fer ne grinça pas" -Cha, Pl III, 851), Alain doit sonner deux fois pour obtenir l'ouverture de la grille, Nous nous en allons, vol.II

. Emile and . Ernest, comme par un froid vif" (Cha, Pl III, 878), alors que la nuit de juillet est "tiède". Ce froid paradoxal corrélatif de l'exil (et semblable au grelottement secret des mâchoires qui surprend Chéri à l'annonce du départ de la Copine -FinC, Pl III, vol.268

, Il ne butait pas au tournant des allées, quoique la nuit fût sans lune. La grande pelouse, plus pâle que les plates-bandes cultivées, vol.le guidait.

, Alain retrouve d'instinct le chemin du retour à la maison natale : l'erreur de topographie en territoire étranger et l'expérience du manque à l'approche des terres natales font place à la libération soudaine du mouvement, facile et naturel malgré l'obscurité. Une clarté terrestre, une évidence visuelle émane du sol maternel. La réintégration semble donc inspirée et facilitée par l'environnement natal même et la symbiose sensorielle ("l'odeur des géraniums arrosés" lui "serr[e] la gorge" -Cha, Pl III, 879) recrée la solidarité à la prolifération maternelle. Contrairement à Chéri, Alain sait réintégrer le monde utérin fécond, Pl III, 833)

, La mort de l'arbre est toujours niée par sa personnification ; mais alors que sa vitalité végétale (revêtement parasite) illustrait, avant la désertion, la prolifération féconde du domaine maternel (Cha, Pl III 810 et 821), l'écriture confère ici à l'arbre une énergie nouvelle, imposante, massive, qui reflète la détermination du retour. La couverture végétale est toujours symbole d'une richesse vitale : mais comparée ici à un manteau, elle suggère le voyage ultime que doit accomplir le déserteur. Aperçu par Alain à l'entrée du jardin, l'arbre fonctionne comme miroir, témoin du retour : son "énormité" concrète, renforcée par sa position centrale, montre que le retour -trop longtemps différé -a fini par acquérir une épaisseur réelle

, Le retour lui-même s'organise en deux temps : à la mère naturelle dans la maison et à la

. Dans-le-jardin.-l'un, . Cha, and I. Pl, Entre, mon chéri, entre..." (Cha, Pl III, 879) : avant de se réfugier dans sa chambre d'enfance, le fils est appelé vers un autre espace de repli, la chambre maternelle, où la reconnaissance du lit "étroit et sans recherche" (Cha, Pl III, 880) sur le modèle toutounier semble garantir le succès du repli, auquel la mère s'empresse d'apporter un soutien explicite. Aucune justification n'est demandée au retour, considéré comme naturel : les interventions de la mère sont brèves, simples, re-structurantes. Elle délivre d'abord le fils de ses scrupules : comme il s'excuse d'arriver "à des heures indues, sans crier gare

, Par contractions successives, le retour se rétrécit jusqu'au point ultime et central du repli où le déserteur peut réintégrer son identité natale. Le discours de la mère se limite donc à épouser étroitement les déclarations filiales dont il propose le calque positif, Cha, Pl III, 881)

, Comme sa mère l'invitait au coeur même de la maison, "la nuit finissante et Saha l'appelaient" au-dehors (ibid.). A l'heure où Sido réveille Minet-Chéri à l'aube, Alain est appelé par la mère/amante vers l'éclosion du monde. Mais l'énergie manque et le perron, Après avoir reçu l'onction du repli, le déserteur reçoit celle de l'aventure, p.454

, Un merle siffla quatre notes dont retentit tout le jardin, et se tut. Mais les passereaux l'avaient entendu et répondirent. Sur la pelouse et sur les massifs fleuris naissaient les fantômes des couleurs

, répercuté sur le monde animal et végétal. Le signal auditif lancé par le merle déclenche l'aventure de l'aube : s'il inaugure directement l'échange animal, il entraîne aussi, dans le récit, le renouveau végétal. Mais l'aventure est écourtée et sacrifiée à l'urgence du repli : la désertion a inversé les priorités et le retour triomphant des cent jours d'exil pousse le héros "chancelant, subjugué de sommeil

, Cet effet nie toute la séquence intermédiaire : l'auteure efface la durée de la désertion et reprend le cours natal à son point initial. Ainsi, les trois mois et demi en territoire étranger sont symboliquement réduits à une seule journée : les retours successifs du matin, de l'après-midi et du soir, scandent les grandes étapes de l'exil. Les repères ainsi télescopés favorisent le parallèle entre les deux grandes unités narratives du début et de la fin (avant et après la désertion). Le retour nocturne répond en effet au premier soir du roman où Alain était aussi l'objet d'appels contradictoires vers le jardin et la maison. Alors qu'en quête de Saha, il sortait du salon au jardin, les appels de Camille le ramenaient contre son gré vers la maison. Le retour nocturne final garde ce double dynamisme mais le redistribue, la répétition des mêmes séquences qui, au début, précédaient la désertion

, Dans le jardin, il oublie rituellement l'heure : au début, celle du rendez-vous avec Camille ; à la fin, celle de son travail ; ces deux variantes procèdent d'une même contrainte sociale. A l'arrivée toujours inattendue de Camille, Le retour déstabilise la cause conjugale et redonne au parti natal, vol.826

, Au moment où Camille exclue est tentée "de retourner sur ses pas" (Cha, Pl III, 891), le barrage maternel exige la fin de tous les faux retours : en effet, si dans la scène initiale, la chatte cédait le terrain à l'arrivée de Camille (Cha, Pl III, 826), dans la scène finale, elle reparaît à son départ et empêche toute récidive. Ainsi, la structure circulaire de La Chatte, Si la vue de sa toilette plaît dans la première séquence à Alain et "lui rougit les joues

, L'auteure exploite donc toutes les gammes de l'intolérance pour assurer au retour une détermination inégalée dans l'oeuvre. Chéri, La Naissance du jour et La Chatte présentent à cet effet les trois étapes d'un difficile parcours régressif. Chéri commet la double erreur d'accepter l'invasion étrangère et la disparition maternelle. Plus avisée, la narratrice de La Naissance du jour sait compenser la mort -déjà ancienne -de la mère en lui attribuant une influence immédiate (dialogues fictifs, lettres) sur l'exclusion. Dans La Chatte, Colette ose le scandaleux rapport de cause à effet où le parti rival assure luimême la mise à mort de la mère

, Si Chéri se heurte à la perte irréversible de la mère et de la maison, il ne tient qu'à Alain de fermer les blessures qui mettent le corps natal à l'agonie. Alors que Chéri, privé de rédemption, s'autodétruit, Alain est investi d'une fonction expiatrice unique dans l'oeuvre, d'une énergie punitive qui bannit les forces du mal et rend le corps natal à son éternelle vitalité, Habilement, les stigmates infligés au corps de la mère/maison (travaux) et au corps de la mère/amante (dépérissement et mutilation) sont globalement réparables

, Dès le premier volet du diptyque, l'inversion du schéma classique se perçoit à l'indifférence de l'étrangère pour le domaine rival. L'occupation des terres est involontaire : Alice est installée à Cransac contre son gré et ne rêve que d'en partir. Son envie de fuir augmente au fur et à mesure de la crise conjugale (Duo, Pl III, 963) : Cransac -qui devient l'espace de la suspicion et de la peur, Les données sont faussées dans Duo où l'étrangère -munie d'un espace natal propre -bénéficie de la clémence de l'écriture

, Pour Michel, le logis natal est devenu l'espace de l'auto-complaisance, qu'il refuse farouchement de quitter. Les "vacances" qu'il prétexte pour rester (Duo, Pl III, 962)

. Cransac, L'ancrage sur le sol natal ne préside donc exceptionnellement à aucune symbiose vitale mais à la dislocation intérieure. Ainsi, l'exécution de Michel obéit à un double impératif romanesque : il punit la scandaleuse négligence de la priorité natale et libère, pour sa femme, le retour

, Seul le deuxième tome est donc gouverné par l'échéance du retour, qui demande immanquablement la rupture violente du statu quo conjugal. Bien que cette violence paraisse accidentelle, elle obéit à une nécessité interne : c'est toujours l'étrangère qui en est

. Saha, Alice en amenant Michel au suicide. Le meurtre de la mère et l'exécution du mari libèrent le retour

, Tout se passe comme si Alice, piégée en terre étrangère, préparait le retour grâce à l'adultère. Sa responsabilité civile ne peut être qu'officieuse

, Alice échappe pourtant à la culpabilité : aucune mention de la faute

, On ne meurt pas si bêtement

P. Tou and . Iii, 1221) : l'invraisemblance de l'accident cache aussi bien l'homicide que le suicide. Cette mort, en apparence si "bête", obéit en effet à une logique implacable dont Alice a beau jeu de se disculper par une condamnation sans réserve de tout suicide "quelle qu'en soit la cause, 1234.

, Annie reprochait à Claudine sa vitalité renaissante après la mort de Renaud (RS, Pl I, 946), L'intervention des doubles sert toujours à compromettre la veuve de retour au monde natal : comme Colombe trouve suspecte la fraîcheur du teint de son aînée

, Eludée par Alice, la responsabilité sera pourtant mise en cause de façon analogique : le meurtre symbolique commis par Alice trouve en effet un parallèle dans celui tenté par Hermine. Ce deuxième scénario apparaît comme la répétition dérisoire et grotesque du premier : devant la même situation romanesque (adultère), la mort -libre ou forcée -du parti trompé reste la constante

. Ainsi, adultère -première variante de l'exclusion conjugale -entraîne comme par un lien nécessaire, bien que non prémédité, la disparition définitive du mari, indispensable au retour. Les premières timides séquences débouchent sur un retour complet et inconditionnel

L. Retraite-sentimentale-comme-de-duo, Si Alice partage avec Claudine une vision brève et ennuyée du mari au cimetière (RS, Pl I, 944 / Tou, Pl III, 1221) et si elle connaît les bienfaits d'une ronde mi-fraternelle, mianimale

L. , Dans les deux cas, l'homicide naît d'une rencontre inappropriée entre les deux partis rivaux : l'inconvenance confronte autant Hermine à Mme Weekend que Michel aux lettres d'Ambrogio (Tou, Pl III, 1242). C'est Alice qui accueille son double après le meurtre et qui mène l'enquête. Son désaveu officiel de l'agression n'empêche pas une certaine admiration pour sa soeur, Mâtin

, Alice retrouve chez elle, juste après le crime de sa soeur, d'autres lettres meurtrières qui accusent sa propre responsabilité dans la mort conjugale. Les similitudes entre les deux scénarios tendent donc à incriminer Alice. Chaque tome du diptyque est gouverné par une mort due à la même configuration amoureuse. Chacune reçoit la même fonction romanesque en vue du retour : la première le déclenche logiquement

J. C. and O. Ix, A l'inverse, il n'y a pas d'ascenseur pour atteindre l'appartement natal, pourtant situé en hauteur, et le temps nécessaire à la montée donne l'occasion de réaffirmer l'attachement natal. Par ses ferronneries, l'ascenseur conduit au contraire à la nouvelle prison conjugale -où le fantôme de Michel attend Alice. Si l'enterrement provoquait le premier retour, la peur du mort demande le deuxième : le retour se joue toujours au détriment du parti conjugal défunt et exploite toutes les modalités du trépas. Pourtant opposé d'architecture, le "pied-à-terre" conjugal se transforme en annexe de Cransac à cause des bruits inquiétants, "craquements" classiques sur lesquels se polarise l'angoisse (Tou, Pl III, 1237) : mais alors qu'ils accompagnaient à Cransac la montée du suspense avant le drame final, ils sont empreints ici d'un caractère plus macabre et, simulant "les retours de Michel, vol.160

. L'escalier, servit d'épreuve à ses genoux tremblants

. Encore-un-Étage, Voilà, c'est fini, 1238.

. C'est-À-pied-que-s'effectue, Si la descente est difficile et graduelle, l'arrivée sur le palier natal est en revanche instantanée et la réintégration immédiate. Fuyant "le lit de Michel, pp.1237-1275

, L'union symbolique avec le père (que rejoindra la nuit suivante "la tête petite et ronde" d'Hermine -Tou, Pl III, 1271) préfigure le nouveau rôle de mère qui attend Alice à l'issue du retour. Ainsi, comme Alain, Alice revient après la sieste d'après-midi pour le sommeil nocturne

, Alice raconte à sa soeur la "vie impossible" (Tou, Pl III, 1240) des trois dernières semaines à Cransac. Légitimé par un difficile passé d'exil, le retour reçoit une ouverture sur l'avenir : rendez-vous est pris pour le soir même, Le lendemain apporte la justification rituelle du retour : comme Alain suggérait à sa mère le traumatisme encouru en terre étrangère (Cha, Pl III, 885)

, L'intervalle est comblé par une visite matinale à l'espace conjugal. Dès l'entrée la gardienne

, Ce délestage entraîne l'organisation prompte du départ : "un quart d'heure suffit" à Alice pour prendre un bain. Elle se lave en terre étrangère, mais refuse d'y manger et part avant le déjeuner ; la sélection des priorités organiques est significative : Alice réserve la force vitale plus essentielle et le regain d'énergie à l'espace natal. Dans un départ qui reste précipité -malgré la disparition de la panique -Alice réduit son bagage aux stricts effets personnels et abandonne en terre étrangère ses anciennes créations (croquis, projets de costumes) : le retour demande un renouvellement d'activité (la création de décors de théâtre sera en effet remplacée par la restauration du seul théâtre natal). Elle n'oublie pas en revanche sa brosse à dents qu'elle retire "avec précaution, d'un petit cercueil d'opaline" où elle "voisinait avec celle de Michel" (ibid.) : par ce retrait symbolique, Alice se désolidarise définitivement de la mort conjugale et prend, avec le retour, le parti de la vie, Tou, Pl III, 1246), vol.883

. Les-mêmes-séquences, Il ne reste donc plus à Alice, avant le retour, qu'à déléguer ses pouvoirs à la représentante du bon droit conjugal : en commettant "la Non Couchée à l'entretien de l'appartement, 1246.

. Le-troisième-retour-est-en and . Marqué, après un repos régénérateur, par un savonnage énergique des bas d'Hermine. Mais l'entretien ne se limite pas au niveau matériel : alors qu'elle tente une sortie vers l'espace extensif du café, Alice est arrêtée et ramenée à la convergence par le retour de sa soeur

P. Tou and . Iii, 1248) : le champagne du retour qu'elle se destinait et chargé ici d'alléger Hermine de l'entrave sentimentale, Hermine délabrée qu'elle doit alors apporter tous ses soins : elle l'aide à remonter jusqu'au toutounier où elle lui donne un breuvage "vomitif, 1253.

, Hermine regagne l'espace de ses excès sentimentaux, laissant Alice à son dénuement conjugal. Cette vacance est reflétée dans la narration par le vide des deux heures qui sépare le départ d'Hermine et la troisième incursion d

. L'après-midi-lui-fut-longue, Vers 5 heures elle se résigna à retourner chez elle, pp.1253-1254

D. Le-manque,

, Du point de vue conjugal, je valais Michel. Aucun de nous deux ne s'imaginait qu'il trahissait l'autre, 1254.

, La suggestion tardive d'une compromission égale des deux partenaires (dans l'adultère ?) sert d'absolution finale et inattendue à l'homicide involontaire (le fait que cet argument décisif n'est pas exprimé clairement et n'a pas été exploité plus tôt lui ôte son crédit et ne parvient pas à innocenter Alice)

. Le-retour-perd-progressivement-son-caractère-d'urgence, Le cérémonial d'entrée a disparu et Alice est transplantée directement à l'intérieur du logis. Ce quatrième retour en terre natale est l'un des plus longs, ce qui accrédite son caractère irrévocable. Alors que le premier jour, Alice n'était accueillie par personne, ou par une Colombe non prévenue et surprise, le lendemain c'est elle-même qui accueille successivement ses deux soeurs : cette inversion suffit à transformer un séjour provisoire en retour définitif. Au rythme de quatre retours en deux jours (l'après-midi, la nuit, le matin, le soir), l'auteure assure le fondement temporel et couvre tout l'éventail des rapatriements possibles

. Du-mariage, La multiplicité de ses trajectoires sous-tend le déclin de la structure binaire traditionnelle au profit d'une structure unitaire triomphante. Mais c'est de façon exceptionnelle et originale que l'auteure prolonge

, Léa, Saha, mères suppléantes à la mère officielle déficiente, l'auteure propose un nouveau cas de figure : pour compenser l'absence définitive de la mère naturelle, c'est la fille elle-même qui assume la charge maternelle vacante. La fille/mère assume en effet la convergence en niant d'abord la désertion. Dès le premier retour mental dans Duo, Alice écrit à Bizoute absente avec mission de communiquer aux autres le message natal, Les retours successifs révèlent Alice à elle-même. Après Vinca

P. Tou and . Iii, Toutes les habitudes organiques relèvent de la même constante numérique et la fin verra Alice dans son sommeil confirmer l

, il ne lui vint aux lèvres que le nom de la quatrième fille, lointaine et perdue de l'autre côté de la terre, 1271.

, Bizoute est condamnée à une vie d'errance. Mais la mère est prête à tous les subterfuges pour nier la désertion. Le désaveu de l'évasion s'exprime aussi par la

P. Tou and . Iii, Tu sais, il ne faut pas croire qu'il est si mal que ça !..." (Tou, Pl III, 1251) Malgré la modestie de son milieu social d'origine, la mère -porte-parole de l'élitisme natal -dénonce la mésalliance, Mme Amparat pour celles de son fils. Le désaveu maternel va jusqu'au mépris pour le ravisseur : Alice juge le Bouttemy "râpé" (Tou, Pl III, 1218), 1265.

, Elle fait preuve d'une sollicitude maternelle vis-à-vis de ses deux soeurs qu'elle appelle tour à tour ses "enfants" (Tou, Pl III, 1224, 1225, 1262) ou ses "petites filles" (Tou, Pl III, 1224) 1 . La cadette bénéficie surtout de la filiation et d'une surveillance accrue : Alice s'inquiète de sa santé physique, p.1253

E. Toucha-le-haut-du-bras-d'hermine and . Dans-sa-main, Pas assez plein

, Alors que Mme Amparat -prête à accréditer la guérison -tâte

, Mais le maternage est toujours ressenti comme abusif, surtout par la bénéficiaire principale, 1248.

, Pl III, 1262) C'est surtout après le quatrième retour que la mère, contestée dans son autorité, se sent menacée directement par la transgression. Même si elle est spontanée et non provocatrice, l'entente entre les évadées marginalise la mère dans son souci convergent. Alors qu'Alice juge ses soeurs "folles" (Tou, Pl III, 1259) par leurs confidences frénétiques (exclamations, chuchotements et rires), elle se constate exclue et "dépareillée, Hermine nie la filiation et renvoie la mère à son rôle de soeur, première actrice de la désertion

, Depuis mon arrivée, je ne les ai pas vues si bien ensemble, ni si jolies, d'ailleurs, 1259.

, Alors qu'Hermine était qualifiée d'"aînée" dans le premier tome (Duo, Pl III, 925), elle se déclare dans le deuxième "la plus petite, Il semble que dans la famille Eudes, les âges comme les vêtements soient interchangeables

, Ce geste accompagne aussi l'évaluation des stigmates sur le corps de Claudine à l'issue de la fugue conjugale. (Cependant Mélie secoue la tête et pèse son sein gauche d'un air désapprobateur

, La méfiance vis-à-vis du ravisseur (dénoncé au pluriel pour augmenter la menace) se retrouve dans le geste d'Alice perpétré directement sur sa cadette, 1226.

, Le retour maternel marque l'apparition nécessaire, et non fortuite, de la nouvelle solidarité fraternelle : il constitue la contre-valeur, la nouvelle force d'immobilisme qui sert de tremplin à l'évasion. En effet par un hasard forcé, les deux intrigues sentimentales -pourtant anciennes -arrivent à échéance en même temps et se concluent toutes les deux par un succès inattendu : les deux amants se manifestent le même soir, l'un par téléphone, l'autre par une visite

. Ainsi, Alice assume à la fin son double statut : si elle autorise et finance l'évasion dont elle reste solidaire, elle prévoit et prépare le retour. Cette ambiguïté se perçoit dans l'accord mitigé que le ravisseur lui soutire : Elle sourit au questionneur, et ne lui fit pas redire ce qu'elle avait peu écouté

, Le désengagement auditif et la platitude formelle suffisent à contredire l'accord verbal, limité au sort des deux amants. La désertion n'est en effet dommageable qu'à la mère

A. , c'est "aussi ma propre solitude, Le départ des enfants -plus que la mort conjugale

, Alors que chaque soeur est douée d'une perspicacité télépathique qui l'unit à son amant (Tou, Pl III, 1252 et 1258), cette "seconde vue" est transposée pour Alice sur le motif de la désertion : la mère sait déceler les présages du départ et en deviner l'issue encore inavouée

, Pour combattre l'insécurité, la stratégie est classique : comme elle refusait le départ de Bizoute, la mère nie la désertion. Les deux nouvelles fugues sont en effet privées d'avenir et aussitôt présentées comme provisoires : Revenir ici, 1270.

, Le Toutounier s'achève ainsi sur une série de paradoxes. Alice reste, alors qu'elle allait partir ; elle cautionne la dispersion, en prédisant la convergence. Le parallèle avec le début augmente encore les chances du retour : alors qu'à la troisième page du roman, Alice attendait déjà ses soeurs, certaine de leur retour, la fin reproduit l'attente et la conviction intérieure. Le pari maternel semble déjà gagné par la réunion finale dans le berceau natal, sur laquelle se clôt le roman (ibid.) Les différents stades de la désertion y sont rassemblés et ainsi conjurés : s'y retrouvent celle qui est partie et n'est pas revenue, celles qui vont partir et peut-être revenir, celle qui est partie et déjà revenue

. Ainsi, le départ de ses soeurs la révèle à elle-même et redonne une direction à sa vie. La préservation du gîte dans l'attente du retour confirme Alice dans la plénitude réconciliée de son identité maternelle qui ne pourra plus être, n'avoir aucun projet d'avenir

. Si and . Dans-le-roman, Pl III, 1218), l'absence de la mère n'est mentionnée qu'à la fin (les "quatre filles sans mère" -Tou, Pl III, 1270), au moment précis où la relève est assurée. Le retour demande la mort rituelle du père et du mari, mais ressuscite la mère. Plus encore que Claudine au centre de sa ronde filiale, c'est dans la désertion qu'Alice "enfante" (ibid.) son projet et assure le succès final de la série des retours. L'écriture romanesque crée son propre exutoire à la mort de la mère contre laquelle ne cesse de buter l'autobiographie. Même si le dénouement reste potentiel

L. Libérée and . Retour, Mais comme elle camouflait, dans La Chatte, l'assassinat de la mère derrière la transposition animale, elle assure, dans Le Toutounier, la revanche de la mère à travers un double filtrage : le meurtre involontaire par une mère symbolique. Ces deux romans tardifs se rejoignent donc dans un succès absolu du retour : en dédommageant la mère de la désertion, ils assurent à l'écriture sa fonction expiatoire, nécessairement sanglante. Depuis Chéri, le sang ne cesse d'être versé : si celui de la mère est finalement épargné, cette révélation de l'identité maternelle apporte un éclairage rétrospectif à la disparition de Michel : la responsable de sa mort est bien la mère (Hermine, qui n'a rien compris

, Si le retour reste acquis dans Julie de Carneilhan, c'est de justesse : au fur et à mesure qu'il néglige l'exclusion, le retour perd de sa détermination. Il n'est intolérant et exclusif que dans La Chatte

O. Jc and . Ix, Ainsi, l'écriture perd sa vertu expiatoire : le sang de l'étranger est épargné, et le suicide sentimental échoue ; dans ce dernier roman, l'auteure lésine sur les moyens. Alors que le suicide réussi du mari (Michel) provoque le retour, c'est paradoxalement le suicide manqué du beau-fils (Toni) qui le favorise. Cet échec entraîne en effet une exclusion inédite : celle prononcée par le parti adverse. En prenant l'initiative de l'exclusion, Va-t'en !

C. Ainsi, L. , and O. Ix, Julie de Carneilhan, le parti natal a beau être largement malmené (Becker est évacué, Coco chassé, Toni hospitalisé), Herbert, bien qu'affaibli aussi, domine l'échange. Cette réapparition de la sujétion sentimentale entraîne automatiquement la disparition de la mère : le pouvoir maternel n'est efficace que contre les amants fantoches (Vial), les faibles (Michel), les monstres (Camille -Cha, Pl III, 889) mais il s'efface devant les "coriaces, vol.232

, Mais dans le dernier roman, l'auteure prolonge le mouvement de balancier. Le retour, une fois acquis et institutionnalisé, se voit lui-même remis en cause : l'écriture colettienne se régénère de ses propres transgressions. Le pouvoir officiel est repris au parti natal qui retourne à la marginalité. Mais l'exemple de Chéri

. Impossible, O. Jc, and . Ix, Entrave où s'efface, devant la priorité sentimentale, toute velléité de retour ; mais l'auteure ne peut non plus, comme à la fin de La Retraite sentimentale, assurer le retour par la disparition trop facile du gêneur (déjà sa liquidation précipitée à la fin de Duo avait paru suspecte). L'échec du partage nécessaire au retour sera donc dû, dans Julie de Carneilhan, à l'exclusion plus dérisoire de la protagoniste par l'amant. Pour rendre cette exclusion crédible après la première rupture, l'auteure imagine un deuxième acte où renaît l'illusion sentimentale

J. C. and O. Ix, 207) Infructueux sur la cause conjugale, le frère reporte toute son efficacité sur la cause du retour. Le roman est ponctué par trois de ses visites où se confirme l'enjeu. Les deux premières sont identiques : elles ont lieu le soir, autour d'un dîner et annoncent le retour. La dernière est unique : elle se produit à l'aube et concrétise le départ. L'accueil que reçoit Léon varie d'une séquence à l'autre : sa première arrivée imprévue dérange Julie, prête à sortir. Ironiquement, c'est par un motif conjugal (maladie d'Herbert) parti adverse : c', L'absence de mère est compensée par la présence du frère. Les deux figures ont déjà été associées dans l'oeuvre et relèvent de la même unité natale : non seulement le prénom fraternel a déjà été attribué à la mère nourricière (Léa) mais Chéri la compare deux fois à un frère : la première pour s'assurer de son soutien

J. Au-père-carneilhan, ;. Jc, and O. Ix, La baie, Henriette. -Rendu ? Par le train ? -Penses-tu. Par la route. Gayant l'a menée. -Le veinard ! Je t'aurais bien fait ça, moi. -Tu es trop occupée, dit Carneilhan avec ironie, p.135

, L'annonce du retour déclenche l'engagement spontané et instinctif : le retour est d'emblée un motif attractif

, Julie se montrera moins enthousiaste et plus hésitante. A ce stade de l'intrigue, l'offre du retour est repoussée par le grand maître des cérémonies régressives : le retour ne doit pas obéir à une envie ni à une pulsion irréfléchie, mais naître d'un projet concerté, mûri, intériorisé. Le retour, même délégué à un tiers, recrée déjà l'unité organique du monde natal : Douze jours, il a mis. La jument et lui, ils couchaient dans les prés. Chacun sa couverture. Elle s'enflait d'avoine sur pied, Mais il suscite une adhésion d'autant plus entière et facile qu'elle est rétrospective. Mise au pied du mur, le matin du départ

J. C. and O. Ix, 135) Cette relation de Gayant et d'Henriette prélude aux noces finales de Léon et d'Hirondelle, lorsque le retour -cessant d'être déléguésera assumé par le protagoniste natal même. Comme en présage, ce retour ancien déclenche déjà l'anticipation, encore vague et imprécise, du retour. Ça se passait quand ? -En juin, vol.891

. Le-frère-a and . Dans-cette-première-rencontre,

, Comme le prétexte conjugal (trépas éventuel) légitimait le premier dîner avec Léon, le prétexte sentimental (exclusion de l'amant) légitime le deuxième. -Ce soir, La deuxième rencontre concrétise l'objectif et montre Julie déjà plus réceptive

, L'exclusion engendre la partage natal (c'est pour se débarrasser de l'amant que Julie improvise le dîner fraternel) et prélude symboliquement au retour. Dans ce deuxième dîner, Léon annonce en effet de façon inattendue son retour imminent. -J'ai changé d'idées, dit-il. Je ne pense pas que nous évitions longtemps la guerre, mais j'ai décidé de mener Hirondelle à Carneilhan. Elle a bien le droit de finir sa vie, après tout, Tu la mènes ? Toi-même ? (JC, OCC IX, p.204

, Le premier projet (mort pour Hirondelle, guerre pour Léon) 1 est abandonné au profit d'un retour commun à la vie

, Léon laisse derrière lui sa vie d'adulte et revient dépouillé, à l'état primitif. Ironiquement, et à l'issue d'une autre tractation financière, Julie reviendra aussi à Carneilhan les poches pleines

D. Mais, . Julie, ;. Qu, O. Jc, and . Ix, Hirondelle est en état de faire la route ? Il sourit tendrement comme si la jument le regardait. -Elle la fera doucement, à son aise. A partir du Mans je quitte les grands chemins, qui ne sont pas à son pied. Elle s'amusera comme une folle. Qu'est-ce que tu nous donnes à manger, p.205

J. L'inquiétude-de, O. Jc, and . Ix, Mais le plaisir du retour, plaisir entier et d'une légèreté inattendue ("comme une folle") dissipe toutes les menaces (la fatigue comme la mort). Le choix de l'itinéraire répond en fait à plusieurs impératifs : s'il illustre la symbiose du cavalier avec la monture, vol.228

, Cette première solution (être obligé de tuer son animal fétiche pour lui éviter la douleur de la séparation) avait provoqué l'incompréhension du parti conjugal : Herbert était hermétique à la symbiose natale. -Comment, il tue sa jument ? La pauvre bête ! Quelle brute ! Pourquoi ?

, Le point de vue conjugal reflète toujours le bon sens commun : comme Camille s'indignait d'être sacrifiée "pour une bête" (Cha, Pl III, 889), Herbert s'indigne du sacrifice de la bête. Ces deux options opposées relèvent en fait d'un même code natal marginal

J. C. and O. Ix, Il est soumis enfin à une marginalité nécessaire : le parcours régressif ignore les grandes voies collectives et les chemins tout tracés de la vie adulte. C'est dans la clandestinité que s'effectue le retour, vol.234

. Le, esquive : au lieu d'imposer la vérité finale, il laisse la soeur progresser à son rythme et se contente d'éluder constamment le sujet ; frustrée, Julie intensifie l'enquête pour forcer la réserve sur le sujet tabou. -Mais, dit soudain Julie, si tu mènes toi-même le lot à Carneilhan

L. , J. (. Jc, and O. Ix, , p.205

, le retour exerce une fonction déstabilisatrice : son éventuel caractère définitif signifie la séparation inattendue des deux corps natals (Julie craint "la disparition de l'homme blond" "fait à sa ressemblance" -ibid.) et marque un scandale exceptionnel. La fin de l'enquête augmente l'inquiétude de Julie. -Dis-moi, Léon, quand est-ce que tu comptes partir ? -Ça t'occupe ? D'aujourd'hui en huit, Si tôt que ça ? (JC, OCC IX, pp.205-206

, Si Léon feint d'ignorer l'intérêt qu'il provoque, la surprise finale de Julie la montre déjà engagée dans le processus régressif. L'exemple du frère prend la soeur de court et déclenche le premier retour involontaire de l'oeuvre : sans être forcé, il cède à la nécessité et à un mimétisme impérieux. Il est cependant essentiel que la liberté du retour soit préservée : aucune pression n'est exercée sur Julie et Léon ne lui fait même pas l'offre officielle du retour

O. Jc, O. Ix-;-jc, O. Ix-;-jc, O. Ix-;-jc, and . Ix, Les préparatifs de la chevauchée s'avèrent plus éloquents que tout accord verbal. La force de ce tableau est double. Il bénéficie d'abord de l'effet de surprise : depuis la dernière visite de Léon vingt pages auparavant, aucune mention d'un départ n'était plus apparue dans le texte ; si l'illusion sentimentale qui subjugue Julie éliminait l'intention du retour, l'échec la réactive magiquement : l'exclusion finale par Herbert est suivie aussitôt, bien que la relation de cause à effet soit gommée, des préparatifs équestres. Mais ce tableau final tire aussi sa force de sa ressemblance au tableau initial qui ouvrait le roman où Julie, également penchée sur un travail manuel, confectionnait un "coussin triangulaire taillé dans une ancienne culotte de cheval, vol.227

L. Ainsi, Julie prévient au dernier moment la femme de ménage et la concierge) contraste avec son caractère obsessionnel dans les romans précédents. Il resurgit comme antidote oublié, mais naturel, à la déconvenue sentimentale : son caractère exceptionnellement involontaire et fortuit reste soumis à l'antagonisme rituel

, Au récit rétrospectif du retour passé a succédé l'anticipation du retour futur qui s'achève sur la concrétisation du retour présent : au niveau temporel aussi, le retour s'impose comme une nécessité naturelle et le signal du départ est donné par une série d'appels sonores. Le premier signal s'avère inutile : Julie n'a pas attendu le réveil pour se lever et a préparé l'expédition une partie de la nuit, La troisième visite de Léon est décisive : si Julie le renvoyait la première fois et l'appelait ensuite

J. C. and O. Ix, Dans la rue retentit un hennissement clair, aigu comme une trompette de cavalerie. Julie, bottée et culottée, en blouse de flanelle, nouait à son cou un foulard blanc, p.228

, Alors qu'Hirondelle est décrite peu après guêtrée de blanc, Julie assume l'unité organique des corps natals : comme en réponse à l'appel, son foulard de la même couleur confirme l'alliance régressive

;. Au-lieu-de-sonner, O. Jc, and . Ix, Léon de Carneilhan frappa trois coups assez rudes, qui secouèrent les songes de Julie et l'affolèrent, p.230

. Par-trois-coups, ;. Le-destin-frappe-À-la-porte-de-julie, O. Jc, and . Ix, Plus le départ approche, plus Julie recule. La panique ultime correspond à la deuxième illusion sentimentale. Alors que Léon vient confirmer le départ, Julie se débat contre l'emprise fraternelle. Je ne partirai pas ! Je vais expliquer à Léon que j'ai un motif grave de rester, vol.229

. De-façon-exceptionnelle-dans-l'oeuvre, ;. Du-non-retour, O. Jc, and . Ix, Le chemin du monde natal n'est l'objet d'une quête inlassable que lorsqu'il est perdu. Qu'il redevienne direct, et il provoque le désaveu au bénéfice rituel de l'évasion. Alors que Chéri se perdait seul sur les routes écartées de la désertion, l'auteure place, aux côtés de la protagoniste, deux agents du destin : la femme-à-la-bougie, qui en est la porte-parole officielle, réduit la liberté à une nécessité interne, une "fatalité

O. De, O. Jc, and . Ix, 232) et délestée de l'entrave sentimentale, Julie retrouve, grâce à un double lui-même tiré financièrement

, On part, Léon, ou on ne part pas ? Nous en perdons un temps, IX, 205), toute l'énergie du repli

. Ix, Le retour est donc l'objet incessant d'affirmations courtes, élémentaires et contradictoires, bâties autour d'un seul verbe essentiel : partir. Les précédents refus crispés cèdent le pas à un ralliement univoque, vol.232

, En prenant l'initiative du départ et en rendant Léon implicitement responsable du retard, Julie se libère de la mauvaise conscience

. Ainsi and . La, cause natale devant la priorité sentimentale ne se traduit pas seulement au niveau narratif par la réduction du motif à l'avant-retour ni par l'ellipse de l'engagement mais, au niveau psychologique, par les doutes et revirements de la protagoniste : le retour ne relève plus de la quête, mais de la dérobade

!. Léon, Le deuxième motif de doute concerne l'aptitude physique à assurer le retour. Julie -déstabilisée par l'échec sentimental -interroge le miroir natal pour y trouver la preuve de sa compétence : -Je ne pourrai jamais tenir, Je n'ai pas dormi

, Alors qu'à la première trahison conjugale, il suffisait à Claudine de sauter dans le train pour rejoindre

L. Montigny, ;. Retour-devient-en-lui-même, O. Jc, and . Ix, Sois fatiguée. Promenons-nous. Nous n'épatons plus personne" (ibid.). La sérénité du retour coïncide avec l'abandon des illusions sociales. 1 Le retour n'est pas une compétition équestre, mais une conquête intérieure. La troisième solution concerne l'itinéraire : Nous passerons par le plus long, Julie. C'est le chemin le plus long qui fatiguera le moins les juments

, En prolongeant au maximum l'avant-retour, au détriment même de l'arrivée, Léon entretient l'illusion et favorise l'oubli (de la guerre comme de l'échec sentimental). Le nouvel itinéraire correspond à un ménagement nouveau du frère pour la soeur : Léon conjure le doute physique par une flexibilité maximale du retour. -En route

, Au moment où le père est justement évoqué pour sa dureté et son probable désaveu du retour, Léon désamorce la nouvelle menace d'exclusion, d'origine scandaleusement natale, en rétablissant la priorité du partage : il confie à Julie l'initiative des étapes et revalorise le moi natal incertain. Les obstacles au retour ne sont donc pas niés, mais retardés et dilués dans le temps : cas unique dans l'oeuvre, le mouvement régressif devient à lui-même sa propre fin et les modalités du voyage effacent la destination. -Combien crois-tu qu'il nous faudra de temps pour arriver à Carneilhan ? Pour la première fois Julie vit son frère faire un geste d'incertitude. Il souleva les bras, Cette aménité nouvelle du frère correspond à l'éclosion de la fonction maternelle et conjure directement la sévérité paternelle

J. C. and O. Ix, le retour final de tout le clan natal réuni est promis à l'éternité. Le cadre spatio-temporel du retour reçoit ainsi une fonction réparatrice : cette incertitude nouvelle du frère, au service de sa conviction, permet de désamorcer l'angoisse. Comme Julie vient de nier implicitement le caractère définitif, "à sens unique" (JC, OCC IX, 233) de son retour, le frère conjure la menace de finitude par l'ouverture sur l'éternité. En rallongeant à l'infini, vol.135

;. Illusions-tenaces-chez-julie, O. Jc, and . Ix, Au début du roman, elle refuse de monter Tullia par snobisme: "-Mon cher, tu sauras que je ne me montre pas au Bois sur une jument truitée !, p.139

&. and O. Ix, 232) pour rassurer Julie sur les fatigues du retour, l'évocation de la jument "truitée comme un cheval de cirque" (ibid.) fait craindre au frère, derrière le prétexte de la fatigue, la résurgence de la préoccupation sociale, Ironiquement Tullia sera la monture du retour. C'est pourquoi elle sert d'argument ambivalent : alors que Léon vante le confort de Tullia

. L'auteure-choisit-pourtant-de-ne-pas-conclure-sur-cette-promesse, Si Léon a su conjurer tous les obstacles intermédiaires et secondaires liés aux péripéties externes du retour, le partage conjugal et le partage natal sont, à l'arrière et l'avant, les obstacles internes

J. C. and O. Ix, Mais aimerai-je encore ma maison, aimerai-je assez mes deux Carneilhan, leur silence, leur hauteur, leur frugalité ?, p.234

, Le doute prive Léon de son crédit maternel : associé au père, il perd le bénéfice de sa récente diplomatie et regagne une intransigeance carneilhane

. Pourtant, le mouvement de réintégration mentale se poursuit et conduit Julie jusqu'à sa chambre d'où elle découvre

, le dessus ballonné de deux tilleuls ombrageant la terrasse, le dessus des poulinières qui reposaient leurs têtes sur la barrière du pré, le dessus du père Carneilhan, coiffé de sa casquette plate, son petit bâton de noisetier fiché dans sa poche

. De-défense-que-julie-cherche-À-préserver-entre-elle and . Natale, Elle s'oppose à la quête obsessionnelle du dessous chez Alain et témoigne de l'impossibilité du repli, confirmée par un paradoxe dans l'espace : Julie ne rentre à l'intérieur que pour regarder à l'extérieur. A l'inverse du Toutounier, le dehors l'emporte sur le dedans. Si les deux premières évocations, végétale et animale, invitent pourtant au repli (les tilleuls mêmes perdent leur rectitude par le ballonné de leurs formes), la dernière évocation paternelle est mitigée ; la perspective contribue à bannir toute verticalité menaçante (casquette plate) mais le gros plan final sur le bâton dans la poche rétablit la virilité agressive du père, sur laquelle s'interrompt définitivement la résurgence. Cette vision attribuée à une Julie adulte témoigne d'une résistance persistante

. Au, O. Jc, and . Ix, Pour mieux caresser la jument truitée laide et pleine de mérites, Julie jeta dans le tonneau son stick inutile

, Mais la crainte du père est également relayée par un nouveau regret de l'amant, sur lequel s'achève le roman : privée de mère

, ] qui avaient autrefois serré l'un contre l'autre, pareillement heureux de chevaucher à l'étroit, Julie et un cavalier

.. .. Herbert, O. Jc, and . Ix, Et mes grands cheveux qui glissaient quand il me renversait la tête, p.235

, Au moment du départ [?] la haute jument Hirondelle, guêtrée de blanc immaculé, venait chercher et baiser, de ses naseaux fanatiques, la main de Carneilhan

. Ironiquement and . Natale, sur le motif du baiser dont, d'une évocation à l'autre, la soeur et le frère sont les bénéficiaires successifs) qui sert de référence et développe la conscience du manque. Julie ne peut même pas bénéficier d'un report sur l'animal témoin de son frère : alors qu'il y a un toutounier pour toutes les soeurs Eudes

. L'amitié-que-julie-renoue and . Tullia, n'est qu'un reflet amoindri et dérisoire de la symbiose idéale qui unit Léon à sa monture. Alors que le frère donne l'exemple d'un report affectif réussi et accède à la forme la plus achevée du partage

J. C. and O. Ix, Le frère et la soeur incarnent les deux cas de figure opposés face au dilemme sentimental. Bien que les romans tardifs privilégient la symbiose organique et animale (chatte, cuir toutounier, jument) qui marque le recul de la cause sentimentale, l'auteure rétablit dans le dernier roman la contrevaleur négative : incapable d'effectuer le transfert et privée d'un animal témoin -autre que son "félin" de frère (JC, OCC IX, 134) : cette seule unité animale suffit pourtant à assurer le retour -Julie ne parvient pas à dépasser un double manque. Les noces de Léon ont en effet une autre valeur conjuratoire, spécifique à ce dernier roman : l'éternité du retour exorcise les aléas d'une expérience natale dominée par le père, Julie au hiatus et à la fragilité intérieure. Les noces symboliques avec la "haute jument" s'opposent à l'abandon pitoyable dont est victime Julie (le complot financier imaginé par son ex-mari ne lui accordant que "du dix pour cent, vol.225

L. Depuis-le-bloc-monolithique-de-la-chatte and . Citadelle-natale-ne-cesse-d'être-assaillie, Cette même répartition a progressé, dans Julie de Carneilhan, où c'est la protagoniste principale (Julie) qui maintient ses distances au monde natal. Cette variante amène l'auteure à inverser sa stratégie pour soumettre l'effet gémellaire au succès final du retour : le départ divergent des soeurs consacre le retour d'Alice ; le départ convergent du frère détermine le retour de Julie. Mais le rôle du hasard s'accroît progressivement : tandis que Le couple parental est donc la clé de l'enjeu régressif : par le retour, l'écriture lève tous les tabous, contourne les résistances de la conscience ; elle agence une vaste entreprise de réparation à l'égard de la mère, de rétorsion à l'égard du père. Cependant la tentative de dédommagement maternel implique moins un retour à la mère en personne qu'à un espace globalement maternel. (Car la mère non plus n'est pas exempte d'influence mortifère, Chéri en sait le prix). Pour assurer le succès inconditionnel du retour, l'écriture évacue le père et transfigure la mère : l'édifice natal -réceptacle d'une fertilité intériorisée -devient le point réconcilié et idéal vers où les différents chemins convergent, alors que la position de fils unique renforçait l'unité du parti natal et l'intolérance du retour, l'effet gémellaire semble contribuer à la remise en cause du pouvoir natal

, Le fait que des configurations romanesques aussi variées concourent au même dénouement illustre la fonction cathartique de l'écriture : loger dans ses murs et restructurer la conscience de l'espace, déracinée par l'exil

, Cette réflexion sur la maison natale dans l'oeuvre de Colette s'est donc d'abord attachée à sa mise au jour progressive dans l'écriture, puis à ses caractéristiques stables, ses constantes oniriques, son unité formelle. Cette démarche évolutive puis transversale se complète d'une approche dynamique dans le roman : la maison natale s'inscrit au centre d'un réseau de tensions rivales, selon une structure conflictuelle plus ou moins extensive mais immuable. L'auteure la replace finalement à la croisée des chemins. La dispersion est conjurée et l'objectif cathartique atteint par la résolution des différentes structures en une direction régressive unique

L. , décelée comme une constante dans les oeuvres de femmes 1 met donc ici en relief la récurrence de l'obsessionnel : le repérage de structures inhérentes a redonné à l'oeuvre colettienne une puissance que lui déniait l'absence officielle de concertation apparente

B. Didier and L. 'ecriture-femme, , p.33, 1981.

L. Ainsi and . Lente, Comme au jeu du chat perché où l'enfant échappe à ses poursuivants en se réfugiant sur un abri élevé et en prononçant le mot "maison", l'écriture constitue ce perchoir idéal qui conjure la menace et prononce, décrit, recrée sans fin la maison

, Dans toutes ces variations domestiques, l'unité organique et onirique du domaine natal provient d'un dosage fragile mais nécessaire : la maison natale est ancienne mais non vétuste, étroite sans être étouffante, ou large et pourtant intime; propre mais non rutilante, solide mais non fortifiée

, Ces constantes qui défient le réalisme dessinent le contour idéal d'un archétype du bien-être. Fausser l'une de ces données suffit à rompre l'équilibre et pervertir l'unité. Les normes natales peuvent inspirer, en positif comme en négatif, la recréation et conditionner aussi, par contraste, tous les espaces du mal-être : en période d'exil, la maison se vide

. En and . De-colette, de "la complaisance à soi et à jadis" 1 , est la seule soumise à une dynamique romanesque implacable : dès sa perte, elle est l'objet d'une controverse, d'une reconquête périlleuse, et toute l'énergie est mise dans le refus du parti natal de se laisser annexer par le parti conjugal. Le conflit se résout toujours au détriment de la cause étrangère, par l'exclusion ou la mort. Toute cette énergie agressive et punitive, défoulée dans le roman, a un effet libérateur : la controverse sentimentale occulte le vrai hiatus à soi-même

, La diversité des réceptacles de la qualité natale (extérieurs au début de l'oeuvre, internes à la fin) montre que l'écriture assume elle-même cette fonction natale et se crée son propre berceau. La diversité des projections romanesques confirme cette capacité régénératrice de l'écriture, qui ne cesse de renouveler les mises en scène natales. Bien qu'il s'agisse d'une quête régressive, l'oeuvre va de l'avant : à peine un nouveau logis est-il édifié dans le roman qu'il est renouvelé, sa charpente transformée, son toit surélevé ou sa surface rétrécie. L'écriture ne progresse pas vers un mieux objectif de l'habitat, mais vers une implantation plus effective de la conscience déracinée, indépendamment de la structure d'accueil. Ainsi le véritable abri natal, c'est l'écriture, Mais la fonction conjuratoire de l'écriture va plus loin : elle ne permet pas seulement de dépasser le manque, et donc la mort, mais de renaître à soi-même

L. Forestier, Chemins vers La Maison de Claudine et Sido, op. cit, p.15

. Dupont, Sensation et création dans l'oeuvre de Colette, op. cit, p.285

-. Ve and I. I. Pl, L'écriture ne regarde pas au paradoxe : comme la fille enfante littéralement la mère et la sent remuer en elle (NJ, Pl III, 336), l'écriture enfante l'espace de sa naissance, 1095.

É. Colette, Les citations sont extraites des OEuvres de Colette publiées sous la direction de Claude Pichois

G. Paris, Bibliothèque de la Pléiade, tome I, 1984, tome II, 1986, tome III, 1991 (abrégé en Pl). -tome I : Préface, par Cl. Pichois. Chronologie (1829-1910) par J. Frugier. Claudine à l'école, p.3

, textes présentés, établis et annotés par P. D'Hollander. Claudine s'en va, pp.531-668

L. Libertine, texte établi, annoté et présenté par M. Mercier. La Vagabonde (p. 1067-1236), texte présenté par M. Mercier, établi et annoté par M, pp.959-1063

. Pichois, . Aperçu-topographique-des-claudine, . Lexique-par-p.-d'hollander, A. Bibliographie, L. Brunet et al., -tome II : Préface, par Cl. Pichois, 1911.

J. Frugier, Douze Dialogues de bêtes, textes présentés, établis et annotés par M. Mercier. Notes de tournée, p.texte

J. Frugier, J. L'envers, . Dupont, and . L'entrave, texte présenté, établi et annoté par Cl. Pichois et M. Raaphorst-Rousseau. Le dossier de Chéri, pp.495-549

L. Delcroix, . Pur, ;. Impur, J. Dupont-;-texte-présenté, and J. Dupont, Discours de Réception à l'Académie Royale Belge de Langue et de Littérature Françaises, texte présenté, établi et annoté par M. Mercier. Bibliographie par A. Brunet et L. Delanoë, pp.1215-1271

, Pléiade, les références renvoient à l'édition Flammarion des OEuvres Complètes, édition du Centenaire, p.239

L. Képi and ;. Képi, A portée de la main, tome XI : Belles Saisons, pp.7-120

L. Vagabonde, , pp.121-228

. L'enfant, , pp.229-253

L. Décapitée, , pp.309-463

, Contes des Mille et Un Matins, pp.51-66

B. Royale-de, Mes cahiers, vol.I, pp.181-508

, Texte établi et annoté par Cl. Pichois, avec la collaboration de R. Forbin

R. Colette and . Laffont, Bouquins, 1989.

A. Colette and . Concert, Le Castor Astral, 1992. ÉDITIONS DE POCHE PRÉFACÉES -Le Blé en herbe, Garnier-Flammarion, n° 218. Préface Cl. Pichois, édition établie et présentée par A. Galliari, coll "Les Inattendus, pp.5-26

. -la-naissance-du-jour and . Garnier-flammarion, Préface Cl. Pichois, p. 5-15 -La Vagabonde, Livre de poche n° 283, Hachette. Préface N. Ferrier -Caverivière p. I-XLVII -La Maison de Claudine, Livre de poche n° 763, Hachette. Préface N. Ferrier -Caverivière p. I-XXXVI -La Chatte, Livre de poche, Hachette. Préface N. Ferrier -Caverivière CORRESPONDANCE -OEuvres Complètes, tomes XIV, XV et XVI ; texte établi et annoté par Cl, p.430

, -Nombreux extraits inédits dans le Catalogue de l'exposition Colette, documents réunis par M. Cornand et M. Barbin, Bibliothèque Nationale, 1973. -Quelques lettres inédites dans la revue Europe, p.129, 1981.

. -lettres-À-moune, B. Au-toutounet, . Villaret, . Paris, and . Femmes, Six de ces lettres ont été reproduites dans les Cahiers Colette, Lettres aux Petites Fermières, texte présenté et annoté par M.Th. Colleaux-Chaurang, pp.81-111, 1985.

. -colette, Sido : Lettres à sa fille, précédé de Lettres inédites de Colette, préfaces de B. de Jouvenel, J. Malige et M, 1984.

P. Sarde, ;. Femmes, . Ouvrages, M. Et-thèses--bal, L. Complexité-d'un-roman-populaire.-l'ambiguïté-dans et al., La Maison de Claudine" de Colette : une autobiographie en trompe-l'oeil, thèse du 3e cycle, Cocteau, J. : Colette. Discours de réception à l'Académie française de Belgique, 1931.

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